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Loup Supprimer son statut d'espèce protégée ? Une pure démagogie pour ses défenseurs

Paris, 24 juil 2015 (AFP) - Parmi les mesures destinées à rassurer les éleveurs, mobilisés depuis plusieurs jours, le gouvernement a promis d'oeuvrer à « déclasser le loup comme espèce protégée », promesse aussi irréaliste qu'inefficace, estiment les défenseurs de la nature.

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Dans son plan d'aide aux éleveurs en difficulté annoncé mercredi, le ministère de l'Agriculture a inscrit en 24e et dernier point le « renforcement de la protection des élevages ovins contre le loup et l'engagement par le gouvernement d'une démarche de déclassement du loup comme espèce strictement protégée, auprès de la Convention de Berne et de l'Union européenne ». La Convention de Berne de 1979 comme la directive « habitats » de l'UE de 1992 veillent à la conservation de la vie sauvage en Europe, et notamment du loup.

Samedi, en plein mouvement de grogne des agriculteurs, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal avait déjà annoncé qu'elle allait se tourner vers ces deux instances. « Pour que les modes de gestion du loup soient adaptés en fonction de l'importance de sa présence sur le terrain, comme en Espagne où deux modes de gestion du loup existent », expliquait un communiqué, alors que les attaques de troupeaux ont doublé en cinq ans (8.500 brebis tuées en France entre juillet 2014 et juillet 2015).

Mardi, la Fnsea, qui a manifesté contre les loups sur le passage du Tour de France, s'est « félicité de la prise de conscience de Ségolène Royal ». « Il faut "prélever" du loup pour faire baisser la pression de la prédation », a déclaré Michèle Boudoin, de la Fédération nationale ovine.

Mais pour France Nature Environnement (Fne), « c'est une approche démagogique qui ne solutionne rien »: « le gouvernement sait bien qu'il n'a aucune chance dans le court terme d'obtenir un déclassement du loup », souligne Jean-David Abel, vice-président de la principale fédération environnementale.

Echec de la Suisse

« C'est un effet d'annonce, et un message catastrophique pour les éleveurs, à qui on laisse entendre qu'on va résoudre les problèmes en tirant sur les loups, or ça ne va rien changer ! », pointe Marion Fargier, juriste de l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) qui met en regard les 8.500 brebis égorgées et un cheptel de près de 8 millions de têtes. La démarche promet en tout cas d'être longue.

La Suisse s'y est d'ailleurs cassé les dents. Il faudra prouver, outre les dommages subis, qu'il n'y a pas d'autre solution, ni atteinte à la viabilité du groupe, et au final emporter l'accord de 2/3 des pays membres de la convention, et de tous au Conseil européen.

Ces textes prévoient déjà des dérogations pour des tirs de « prélèvement », soulignent les associations : en France, le nombre d'autorisations est passé de 24 l'an dernier (au final 19 loups tués) à 36 cette année.

Le « canis lupus », naturellement revenu dans les années 1990 par l'Italie et concentré dans le sud-est, a vu sa population tripler en dix ans en France, de 100 à 300 environ, avec un léger recul entre 2014 et 2015, selon les estimations de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. « C'est compliqué de vivre avec des prédateurs, et on n'est pas contre » les prélèvements, reprend Jean-David Abel. « Mais ça ne changera rien si les troupeaux restent mal protégés », dit-il, relevant que beaucoup reste à faire (chiens et barrières efficaces, mise en place par l'Etat d'un protocole de protection et de « diagnostics » individuels, etc).

« L'Espagne bénéficie d'un double statut car elle a la plus grosse population de loups d'Europe de l'ouest : entre 2.500 et 3.000 ! », souligne encore Fne qui a quitté le groupe de concertation « loup » quand en 2014 le gouvernement a étendu le droit des chasseurs à tirer sur les loups.

Ségolène Royal a aussi annoncé la création d'une « brigade d'appui », composée de dix agents titulaires du permis de chasse chargés d'assurer une présence auprès des éleveurs victimes d'attaques. « Même si on les extermine, ils reviendront par l'Italie ! », objecte Marion Fargier : comme de l'autre côté des Alpes, où le loup n'a jamais disparu (on en recense environ 1.000), « il va falloir réapprendre à vivre avec cette contrainte et mieux se protéger. L'agriculture c'est aussi ça, dépendre de son environnement », souligne-t-elle.

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